virginie BASTY : peintures de vie

conflit interieur de l'homme artiste

Conflit intérieur de l'homme-artiste: 

          La première différence fondamentale qui semble exister entre le simple peintre et l'artiste est que l'œuvre du premier résulte d'un moment, d'une pulsion, tandis que celle du second provient d'une réflexion. Néanmoins il nous semble que même si l'artiste est rattaché à son œuvre, il doit savoir s'en détacher pour une socialisation obligatoire. Dans le cas contraire, il risque de se couper du monde. Bien que son œuvre le poursuive, son corps doit avoir des instants de répit afin que l'œuvre ne tourne pas à l'obsession négative et que l'artiste ne se perde lui-même.

« L'idée fondamentale est que toute chose créée exige non seulement un créateur mais un morceau de vie, la vie elle-même qui d'une façon ou d'une autre est dégagée de sa destinée proprement mortelle est établie dans une existence immuable »[2]. Le problème du renoncement réside dans l'acceptation du fait que le créateur doit livrer une part de sa vie à sa création sans pour autant se perdre totalement.

 

L'artiste a besoin de sa vocation pour exister ; or elle n'est pas un moyen qui lui permet d'assumer sa vie quotidienne mais « sa vie même »[3]« L'artiste crée comme il se nourrit et comme il respire c'est l'une des formes d'expression de sa vie »[4], sa sublimation pourrait-on dire qui donne presque par hasard une œuvre qui peut avoir la chance d'avoir une signification aux yeux d'autrui.

L'artiste appartient à deux mondes. Il est tiraillé et ne peut se retirer complètement dans l'un des deux au risque de se perdre. L'un est nécessaire à l'autre et inversement. Il possède un instinct qui le pousse à s'évader de la vie réelle vers une création qu'il pense être sous son contrôle.

    

        Dans ma pratique je me suis également perdue dans cette idée. Je créais compulsivement sans savoir si ce que je produisais avait un sens. Je croyais peindre mes pulsions mais je ne peignais que ma peinture. En prenant du recul, je suis devenue capable d'exprimer pleinement ma personnalité tout en accordant la priorité à l'idéologie artistique de mon travail.

« Ainsi avec ce tableau, chargé de toute la vie du peintre, se pose la question de sa sortie hors de l'atelier. Dans cet espace clos, intime, unique, la vie du peintre colle à la toile, et lorsque la toile quitte l'atelier, elle emporte avec elle un morceau de la vie du peintre. La laisser partir c'est accepté de la perdre. Comment maintenir cet équilibre entre ce qui est achevé et ce qui ne doit plus concerner la vie du peintre ? En acceptant le départ de la toile de l'atelier, le peintre accepte d'offrir au monde son expérimentation périlleuse. »[7]

 

Dans l'ensemble nous pouvons dire que l'artiste, ou plutôt le grand artiste, a le pouvoir de se libérer du «  parallélisme entre sa vie est son œuvre »[8], en arrivant à concilier les deux pour une existence et une création plus riches.

 « L'essence du type artistique consiste donc en ce qu'il peut traverser son conflit individuel »[9] en utilisant pour cela une idéologie artistique. De sorte qu'il puisse non seulement trouver sa place dans la société mais qu'il puisse aussi trouver le soulagement de ses conflits dans son œuvre et que son statut d'artiste/individu puisse pleinement s'épanouir. Ce conflit entre liberté extérieure et liberté intérieure est précisément le lieu de ce questionnement et il constitue donc « l'un des ressorts essentiels de toute création artistique »[10].

 

On ne peut créer quelque chose du monde sans être au monde, sans y appartenir.

 

Il ne faut pas se faire d'illusions car une fois entre dans le processus de la création, je pense qu'on on ne peut plus s'en libérer. Il fait partie de notre vie. Sans cela, nous ne serions plus nous-même, plongeant dans un trouble tel que l'autisme.  L'individu est ainsi divisé entre deux natures. On n'est plus homme ni artiste mais homme-artiste. A partir de là, il faut gérer les deux pôles en essayant de faire respirer l'homme sous l'artiste.

 

 

 

 



[1] Scotti Jean-Marie, L'art ça nous regarde, éd. Du champ social, Cahors, 2001, P.21.

[2] Rank Otto, L'art et l'artiste, éd.Payot & Rivage,  Paris, 1998 p, 233.

[3] Idem, p.286.

[4] Idem, p. 304.

[5] Otto Rank,  op.cit, p. 286.

[6] Idem, p. 38.

[7] Idem, p. 38.

[8]Otto Rank, Op.cit, p318, (Otto Rank)

[9] G. De Cortanze,op .cit; p, 284,

[10] G. De Cortanze,op.cit, p, 282,



23/08/2005
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