virginie BASTY : peintures de vie

vidéo de la derniére exposition:  http://youtu.be/zoNp9-WHjNM

 

S'il est une chose qui définit avant tout l'œuvre d'art, c'est sa conception, son cheminement, l'idée vers laquelle elle nous emmène. Ce processus résulte des choix précis de l'artiste à un moment donné de sa création.

Ici, la pratique entretient toujours un rapport particulier avec le corps : changement d'échelle, immersion dans le tableau, où la couleur devient matière. L'action du peintre a une importance fondamentale qu'il faut interpréter non comme un simple geste automatique, mais comme l'extension directe de l'expérience de l'artiste sur le tableau.      

La relation entre l'acte et la matière est au centre de l'œuvre. Ainsi cet acte donne t-il vie à une peinture sans limite spatiale.

La toile est ici entièrement couverte, comme si elle se prolongeait à l'infini sans tenir compte des bords et sans qu'aucun cadre ne l'enferme. La peinture est sans point, sans centre, sans cible, sans visée d'objectif. Il n'y a ni frontière ni foyer central à cette étendue qui s'échappe par tous les bords. 

Ma pratique résulte directement de l'évidence que j'ai ressentie lorsque j'ai posé une toile au sol pour la première fois. A cette époque, je ne connaissais pas  la peinture, je ne connaissais que mon désir de peindre.

J'ai eu envie d'envahir l'espace ou plutôt d'être envahie par lui. Je voulais que mes toiles soit un bout d'existence où l'on puisse se plonger et chercher les cachés et les détails.

Pour cela, il fallait englober le spectateur de sorte qu'il se retrouve dans un univers où il laisserait parler ses sens comme une pause dans le temps de l'art, une œuvre où il n'y aurait rien à chercher mais tout à découvrir. L'œil est mis en déroute, le spectateur renonçant ainsi à ses habitudes visuelles.

Le sens y est immédiatement visible et il n'y a rien d'autre à comprendre car c'est une instantanéité de la sensation. Loin des discours de l'art contemporain, le but est d'essayer de faire vivre quelque chose de l'art. Sans message conceptuel mais avec un contenu subjectif et humain, fondé sur les impressions et les ressentis.

Ces toiles sont des morceaux de vie par lesquels il faut se laisser porter pour découvrir la peinture à son état primitif, avec ses accidents, ses surprises et même ses contraintes.

La peinture est vivante, elle se fissure, se craque, lutte et c'est ce qui m'intéresse en elle. C'est ce que la peinture a peut-être de plus précieux : son instantanéité, sa composition et sa matière. Faire exister la matière pour sa propre matérialité.

 

Les contours s'estompent jusqu'à donner l'impression que nous pénétrons dans un espace infini.

Cette impression est renforcée par une absence d'encadrement qui favorise l'expansion du champ coloré au-delà des limites définies par la toile. La signature n'apparait donc pas sur la toile mais derrière ou sur le coté pour quelle puisse être accrochée différemment selon les envies car l'artiste ne donne pas de sens préalable à sa toile. le spectateur est libre de l'observer dans le sens de son choix.

 

La technique consiste à poser la couleur sans contour ni frontière et sans qu'un dessin initial ne la guide. Cette peinture vit d'accidents, de zigzags, d'ouvertures, de frottements, de petits miracles, de découvertes. C'est une peinture de l'âme, puissante ou introvertie, affirmée ou indéfinie. Elle est une rencontre avec un être qui laisse entrevoir son existence.

« La peinture comme la passion, est une voix vivante qui parle en moi. Lorsque je l'entends, je dois la laisser parler en toute liberté. » Une chaleur venant de l'intérieur et qui vous fait ressentir la peinture comme une nécessité absolue. La phrase de Newman exprime parfaitement le rapport que j'entretiens à la peinture et la fascination qu'elle exerce sur moi.

J'ai laissé le pinceau et, comme un enfant, j'ai étalé de la peinture sur ma main. Puis je l'ai étalé sur la toile. La sensation de liberté ressentie à ce moment a décidé de ma pratique. Cela peut paraître simpliste mais la sensation de la matière coulant sur un corps dénudé représente pour moi l'essence même de la peinture. Mes mains ont été le bâton du dripping de Pollock.

Il faut préciser enfin que la première fois que j'ai utilisé mes mains pour peindre, j'ignorais tout de Pollock. Or, l'utilisation de celles-ci et les gestes qui ont suivi me sont apparus comme le moyen le plus juste d'exprimer ce que je voulais peindre. J'ai banni tout objet, pour me laisser porter uniquement par ma toile posée au sol et appelant mon corps pour qu'il se mêle à elle. Ma particularité étant de frôler l'iconographique.

En effet, par moment, le dripping est suffisamment maîtrisé pour qu'on y descelle des représentations mais aussi suffisamment libéré pour que la peinture gestuelle soit prépondérante donc sujette à interprétations. Les thèmes abordés laissent place à l'interprétation orientant le ressenti sans l'étouffer.